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Peut-on penser le quotidien
Peut-on penser le quotidien
Depuis ses origines, la philosophie semble être en froid avec la vie quotidienne.
Avec ses théories des Idées, Platon a placé d’emblée la philosophie sur des hauteurs métaphysiques, loin des considérations de la vie quotidienne. Cette méfiance originelle de la philosophie à l’encontre du quotidien apparaît très nettement au travers de l’opposition systématique de la philosophie avec l’opinion commune depuis Socrate jusqu’à Hegel, en passant par Descartes.
Pour la tradition philosophique rationaliste qui est largement dominante en Occident, tout se passe comme si le quotidien était marqué par une sorte de coefficient inhérent de perversité. La tabula rasa de Descartes constitue en quelque sorte une véritable déclaration de guerre contre la vie quotidienne et toutes les illusions qu’elle sécrète. Dans une telle optique, le quotidien est considéré comme le domaine d’action privilégié du « malin génie » qui nous trompe en permanence en nous donnant l’illusion de l’évidence du réel qui nous entoure.
Pour Descartes, seule la pensée réflexive du cogito nous permet d’échapper à ce sortilège du quotidien. Ainsi pour cette tradition philosophique rationaliste et spiritualiste incarnée au plus haut point par Descartes, on ne peut plus penser dans le quotidien !
La philosophie pourtant va réagir contre une telle pensée unique rationaliste en revalorisant la vie quotidienne.
La réflexion a déjà lieu avec l’école cynique et son illustre figure de proue, Diogène. Ce dernier expliquait le mouvement en se déplaçant, nu dans son tonneau, pour ne citer que l’anecdote la plus décente.
Nietzsche et Kierkegaard se sont inscrits dans une telle filiation en attaquant avec vigueur la pensée systématique de l’hégélianisme, accusée à tort ou à raison, de substituer des abstractions logiques à la concrétude vitale dont la vie quotidienne serait le lieu privilégié.
Kierkegaard est d’ailleurs le philosophe qui pense dans le quotidien par excellence, car sa philosophie est le fruit direct de ses pensées, de ses expériences vécues. Mais il faut attendre le XXe siècle, avec la phénoménologie, pour que la vie quotidienne soit véritablement appréhendée en tant que telle par la philosophie. Avec l’idée d’un retour à « la chose en soi » et les concepts directeurs d’intentionnalité et de réduction phénoménologique.
Husserl est le père de cette nouvelle approche philosophique.
Avec ses théories des Idées, Platon a placé d’emblée la philosophie sur des hauteurs métaphysiques, loin des considérations de la vie quotidienne. Cette méfiance originelle de la philosophie à l’encontre du quotidien apparaît très nettement au travers de l’opposition systématique de la philosophie avec l’opinion commune depuis Socrate jusqu’à Hegel, en passant par Descartes.
Pour la tradition philosophique rationaliste qui est largement dominante en Occident, tout se passe comme si le quotidien était marqué par une sorte de coefficient inhérent de perversité. La tabula rasa de Descartes constitue en quelque sorte une véritable déclaration de guerre contre la vie quotidienne et toutes les illusions qu’elle sécrète. Dans une telle optique, le quotidien est considéré comme le domaine d’action privilégié du « malin génie » qui nous trompe en permanence en nous donnant l’illusion de l’évidence du réel qui nous entoure.
Pour Descartes, seule la pensée réflexive du cogito nous permet d’échapper à ce sortilège du quotidien. Ainsi pour cette tradition philosophique rationaliste et spiritualiste incarnée au plus haut point par Descartes, on ne peut plus penser dans le quotidien !
La philosophie pourtant va réagir contre une telle pensée unique rationaliste en revalorisant la vie quotidienne.
La réflexion a déjà lieu avec l’école cynique et son illustre figure de proue, Diogène. Ce dernier expliquait le mouvement en se déplaçant, nu dans son tonneau, pour ne citer que l’anecdote la plus décente.
Nietzsche et Kierkegaard se sont inscrits dans une telle filiation en attaquant avec vigueur la pensée systématique de l’hégélianisme, accusée à tort ou à raison, de substituer des abstractions logiques à la concrétude vitale dont la vie quotidienne serait le lieu privilégié.
Kierkegaard est d’ailleurs le philosophe qui pense dans le quotidien par excellence, car sa philosophie est le fruit direct de ses pensées, de ses expériences vécues. Mais il faut attendre le XXe siècle, avec la phénoménologie, pour que la vie quotidienne soit véritablement appréhendée en tant que telle par la philosophie. Avec l’idée d’un retour à « la chose en soi » et les concepts directeurs d’intentionnalité et de réduction phénoménologique.
Husserl est le père de cette nouvelle approche philosophique.
Re: Peut-on penser le quotidien
De manière significative, les disciples iront plus loin que le maître dans leur volonté de réhabiliter la pensée du quotidien.
Ainsi Heidegger, dans son analyse existentiale, va défendre l’idée que nos tonalités affectives ont une signification philosophique profonde. Et dans le même ordre d’idées, Sartre, dans sa psychanalyse existentielle, va s’intéresser à nos goûts et dégoûts, révélateurs de notre projet existentiel fondamental.
C’est incontestablement le philosophe contemporain Bruce Bégout qui va pousser le plus loin cette pensée du quotidien à travers son œuvre monumentale La découverte du quotidien.
Pour Bégout, nous devons redécouvrir le quotidien au-delà des images éculées de banalité et de trivialité qu’il véhicule, pour y retrouver l’énigme même de la condition humaine. Le projet de son livre est de nous dévoiler les sens cachés de la quotidienneté qui fait que toute vie humaine est toujours aussi une vie quotidienne.
Bien que brillant, le livre très long de Bégout peut susciter l’ennui, car par définition le quotidien n’est pas très intéressant. De plus, il illustre parfaitement le paradoxe fondamental de l’entreprise phénoménologique qui se propose de parler des choses simples, mais qui a besoin pour ce faire d’employer des concepts difficiles.
Là où Descartes a su nous parler avec simplicité des choses les plus transcendantes, Husserl semble s’être perdu un peu dans des complications pour nous parler des choses les plus immanentes.
Donc si l’on doit, et peut penser, le quotidien, la tâche n’en demeure pas moins extrêmement difficile, un peu comme si l’évidence se dérobait à la pensée.
Ainsi Heidegger, dans son analyse existentiale, va défendre l’idée que nos tonalités affectives ont une signification philosophique profonde. Et dans le même ordre d’idées, Sartre, dans sa psychanalyse existentielle, va s’intéresser à nos goûts et dégoûts, révélateurs de notre projet existentiel fondamental.
C’est incontestablement le philosophe contemporain Bruce Bégout qui va pousser le plus loin cette pensée du quotidien à travers son œuvre monumentale La découverte du quotidien.
Pour Bégout, nous devons redécouvrir le quotidien au-delà des images éculées de banalité et de trivialité qu’il véhicule, pour y retrouver l’énigme même de la condition humaine. Le projet de son livre est de nous dévoiler les sens cachés de la quotidienneté qui fait que toute vie humaine est toujours aussi une vie quotidienne.
Bien que brillant, le livre très long de Bégout peut susciter l’ennui, car par définition le quotidien n’est pas très intéressant. De plus, il illustre parfaitement le paradoxe fondamental de l’entreprise phénoménologique qui se propose de parler des choses simples, mais qui a besoin pour ce faire d’employer des concepts difficiles.
Là où Descartes a su nous parler avec simplicité des choses les plus transcendantes, Husserl semble s’être perdu un peu dans des complications pour nous parler des choses les plus immanentes.
Donc si l’on doit, et peut penser, le quotidien, la tâche n’en demeure pas moins extrêmement difficile, un peu comme si l’évidence se dérobait à la pensée.
Re: Peut-on penser le quotidien
Beaucoup de personnes pensent au quotidien, tous ceux qui pointent au chômage, tous ceux qui ne gagnent que le smic voire moins.
Le quotidien, ils y pensent sans cesse.
Comment vais-je faire pour payer mon loyer.
Comment vais-je faire pour manger.
Comment vais faire pour faire manger les gosses.
Comment vais-je faire pour les habiller.
Comment, comment, comment, quotidiennement ils pensent à leur quotidien peu reluisant.
Le quotidien, ils y pensent sans cesse.
Comment vais-je faire pour payer mon loyer.
Comment vais-je faire pour manger.
Comment vais faire pour faire manger les gosses.
Comment vais-je faire pour les habiller.
Comment, comment, comment, quotidiennement ils pensent à leur quotidien peu reluisant.
Re: Peut-on penser le quotidien
Il y a une indication, donnée par Bégout sur ce qu’est le quotidien : aller chercher son pain.
Nous pourrions faire le détail de la vie quotidienne d’une personne. Est-ce que la philosophie s’intéresse à ce quotidien ? Est-ce que la philosophie pense ce quotidien ?
Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien !
Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire.
Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… »
C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.
Le philosophe pense « que l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.
Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien, mais ce n’est pas de l’ignorance.
Le penseur, même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien même il ne veut assumer cette expérience
La philosophie a quelques difficultés à saisir le réel car il est fuyant.
Il y a un énorme fossé entre la philosophie et la réalité quotidienne. C’est ce que la philosophie doit reconnaître pour élaborer une véritable philosophie du quotidien. Le quotidien c’est aussi « les robinets qui fuient, les factures à payer, le lit à faire tous les matins… ».
Bégout nous dit que le philosophe éprouve peut-être une certaine nostalgie d’être enfermé dans la cage de verre de sa réflexion, et ne pouvoir se fondre dans les faits de la vie quotidienne pour les vivre de l’intérieur. Ce qu’il appelle la mélancolie du réel.
Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien, mais plutôt les petites tracasseries de la vie.
Notre époque avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, vise vers le concept. Il y a une véritable ruée vers le quotidien pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show. On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant quelle est extraordinaire. Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.
Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité.
Nous pourrions faire le détail de la vie quotidienne d’une personne. Est-ce que la philosophie s’intéresse à ce quotidien ? Est-ce que la philosophie pense ce quotidien ?
Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien !
Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire.
Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… »
C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.
Le philosophe pense « que l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.
Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien, mais ce n’est pas de l’ignorance.
Le penseur, même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien même il ne veut assumer cette expérience
La philosophie a quelques difficultés à saisir le réel car il est fuyant.
Il y a un énorme fossé entre la philosophie et la réalité quotidienne. C’est ce que la philosophie doit reconnaître pour élaborer une véritable philosophie du quotidien. Le quotidien c’est aussi « les robinets qui fuient, les factures à payer, le lit à faire tous les matins… ».
Bégout nous dit que le philosophe éprouve peut-être une certaine nostalgie d’être enfermé dans la cage de verre de sa réflexion, et ne pouvoir se fondre dans les faits de la vie quotidienne pour les vivre de l’intérieur. Ce qu’il appelle la mélancolie du réel.
Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien, mais plutôt les petites tracasseries de la vie.
Notre époque avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, vise vers le concept. Il y a une véritable ruée vers le quotidien pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show. On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant quelle est extraordinaire. Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.
Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité.
Re: Peut-on penser le quotidien
Alpha a écrit:Beaucoup de personnes pensent au quotidien, tous ceux qui pointent au chômage, tous ceux qui ne gagnent que le smic voire moins.
Le quotidien, ils y pensent sans cesse.
Comment vais-je faire pour payer mon loyer.
Comment vais-je faire pour manger.
Comment vais faire pour faire manger les gosses.
Comment vais-je faire pour les habiller.
Comment, comment, comment, quotidiennement ils pensent à leur quotidien peu reluisant.
Victor Hugo leur a dédié un très beau poème.
[size=30]Les pauvres gens[/size]
Victor Hugo
Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d’ombre et l’on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l’encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d’un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s’étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d’âmes, y sommeillent
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.
C’est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d’écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.
II
L’homme est en mer. Depuis l’enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte, il faut qu’il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir
Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,
Remmaillant les filets, préparant l’hameçon,
Surveillant l’âtre où bout la soupe de poisson,
Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
l s’en va dans l’abîme et s’en va dans la nuit.
Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
Dans les brisants, parmi les lames en démence,
L’endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
Où se plaît le poisson aux nageoires d’argent,
Ce n’est qu’un point ; c’est grand deux fois comme la chambre.
Or, la nuit, dans l’ondée et la brume, en décembre,
Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
Comme il faut calculer la marée et le vent !
Comme il faut combiner sûrement les manoeuvres !
Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
Le gouffre roule et tord ses plis démesurés,
Et fait râler d’horreur les agrès effarés.
Lui, songe à sa Jeannie au sein des mers glacées,
Et Jeannie en pleurant l’appelle ; et leurs pensées
Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du cœur.
III
Elle prie, et la mauve au cri rauque et moqueur
L’importune, et, parmi les écueils en décombres,
L’océan l’épouvante, et toutes sortes d’ombres
Passent dans son esprit : la mer, les matelots
Emportés à travers la colère des flots ;
Et dans sa gaine, ainsi que le sang dans l’artère,
La froide horloge bat, jetant dans le mystère,
Goutte à goutte, le temps, saisons, printemps, hivers ;
Et chaque battement, dans l’énorme univers,
Ouvre aux âmes, essaims d’autours et de colombes,
D’un côté les berceaux et de l’autre les tombes.
Elle songe, elle rêve. Et tant de pauvreté !
Ses petits vont pieds nus l’hiver comme l’été.
Pas de pain de froment. On mange du pain d’orge.
Ô Dieu ! le vent rugit comme un soufflet de forge,
La côte fait le bruit d’une enclume, on croit voir
Les constellations fuir dans l’ouragan noir
Comme les tourbillons d’étincelles de l’âtre.
C’est l’heure où, gai danseur, minuit rit et folâtre
Sous le loup de satin qu’illuminent ses yeux,
Et c’est l’heure où minuit, brigand mystérieux,
Voilé d’ombre et de pluie et le front dans la bise,
Prend un pauvre marin frissonnant, et le brise
Aux rochers monstrueux apparus brusquement.
Horreur ! l’homme, dont l’onde éteint le hurlement,
Sent fondre et s’enfoncer le bâtiment qui plonge ;
Il sent s’ouvrir sous lui l’ombre et l’abîme, et songe
Au vieil anneau de fer du quai plein de soleil !
Ces mornes visions troublent son coeur, pareil
A la nuit. Elle tremble et pleure.
IV
Ô pauvres femmes
De pêcheurs ! c’est affreux de se dire : Mes âmes,
Père, amant, frère, fils, tout ce que j’ai de cher,
C’est là, dans ce chaos ! mon coeur, mon sang, ma chair !
Ciel ! être en proie aux flots, c’est être en proie aux bêtes.
Oh ! songer que l’eau joue avec toutes ces têtes,
Depuis le mousse enfant jusqu’au mari patron,
Et que le vent hagard, soufflant dans son clairon,
Dénoue audessus d’eux sa longue et folle tresse,
Et que peutêtre ils sont à cette heure en détresse,
Et qu’on ne sait jamais au juste ce qu’ils font,
Et que, pour tenir tête à cette mer sans fond,
A tous ces gouffres d’ombre où ne luit nulle étoile,
Es n’ont qu’un bout de planche avec un bout de toile !
Souci lugubre ! on court à travers les galets,
Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rendsnousles !
Mais, hélas ! que veuton que dise à la pensée
Toujours sombre, la mer toujours bouleversée !
Jeannie est bien plus triste encor. Son homme est seul !
Seul dans cette âpre nuit ! seul sous ce noir linceul !
Pas d’aide. Ses enfants sont trop petits. Ô mère !
Tu dis : ‘S’ils étaient grands ! leur père est seul !’ Chimère !
Plus tard, quand ils seront près du père et partis,
Tu diras en pleurant : ‘Oh! s’ils étaient petits !’
V
Elle prend sa lanterne et sa cape. C’est l’heure
D’aller voir s’il revient, si la mer est meilleure,
S’il fait jour, si la flamme est au mât du signal.
Allons ! Et la voilà qui part. L’air matinal
Ne souffle pas encor. Rien. Pas de ligne blanche
Dans l’espace où le flot des ténèbres s’épanche.
Il pleut. Rien n’est plus noir que la pluie au matin ;
On dirait que le jour tremble et doute, incertain,
Et qu’ainsi que l’enfant, l’aube pleure de naître.
Elle va. L’on ne voit luire aucune fenêtre.
Tout à coup, a ses yeux qui cherchent le chemin,
Avec je ne sais quoi de lugubre et d’humain
Une sombre masure apparaît, décrépite ;
Ni lumière, ni feu ; la porte au vent palpite ;
Sur les murs vermoulus branle un toit hasardeux ;
La bise sur ce toit tord des chaumes hideux,
Jaunes, sales, pareils aux grosses eaux d’un fleuve.
‘Tiens ! je ne pensais plus à cette pauvre veuve,
Ditelle ; mon mari, l’autre jour, la trouva
Malade et seule ; il faut voit comment elle va.’
Elle frappe à la porte, elle écoute ; personne
Ne répond. Et Jeannie au vent de mer frissonne.
‘Malade ! Et ses enfants ! comme c’est mal nourri !
Elle n’en a que deux, mais elle est sans mari.’
Puis, elle frappe encore. ‘Hé ! voisine !’ Elle appelle.
Et la maison se tait toujours. ‘Ah ! Dieu ! dit elle,
Comme elle dort, qu’il faut l’appeler si longtemps!’
La porte, cette fois, comme si, par instants,
Les objets étaient pris d’une pitié suprême,
Morne, tourna dans l’ombre et s’ouvrit d’ellemême.
VI
Elle entra. Sa lanterne éclaira le dedans
Du noir logis muet au bord des flots grondants.
L’eau tombait du plafond comme des trous d’un crible.
Au fond était couchée une forme terrible ;
Une femme immobile et renversée, ayant
Les pieds nus, le regard obscur, l’air effrayant ;
Un cadavre ; autrefois, mère joyeuse et forte ;
Le spectre échevelé de la misère morte ;
Ce qui reste du pauvre après un long combat.
Elle laissait, parmi la paille du grabat,
Son bras livide et froid et sa main déjà verte
Pendre, et l’horreur sortait de cette bouche ouverte
D’où l’âme en s’enfuyant, sinistre, avait jeté
Ce grand cri de la mort qu’entend l’éternité !
Près du lit où gisait la mère de famille,
Deux tout petits enfants, le garçon et la fille,
Dans le même berceau souriaient endormis.
La mère, se sentant mourir, leur avait mis
Sa mante sur les pieds et sur le corps sa robe,
Afin que, dans cette ombre où la mort nous dérobe,
Ils ne sentissent pas la tiédeur qui décroît,
Et pour qu’ils eussent chaud pendant qu’elle aurait froid.
VII
Comme ils dorment tous deux dans le berceau qui tremble !
Leur haleine est paisible et leur front calme. Il semble
Que rien n’éveillerait ces orphelins dormant,
Pas même le clairon du dernier jugement ;
Car, étant innocents, ils n’ont pas peur du juge.
Et la pluie au dehors gronde comme un déluge.
Du vieux toit crevassé, d’où la rafale sort,
Une goutte parfois tombe sur ce front mort,
Glisse sur cette joue et devient une larme.
La vague sonne ainsi qu’une cloche d’alarme.
La morte écoute l’ombre avec stupidité.
Car le corps, quand l’esprit radieux l’a quitté,
A l’air de chercher l’âme et de rappeler l’ange ;
Il semble qu’on entend ce dialogue étrange
Entre la bouche pâle et l’oeil triste et hagard :
Qu’as tu fait de ton souffle ? Et toi, de ton regard ?
Hélas! aimez, vivez, cueillez les primevères,
Dansez, riez, brûlez vos coeurs, videz vos verres.
Comme au sombre océan arrive tout ruisseau,
Le sort donne pour but au festin, au berceau,
Aux mères adorant l’enfance épanouie,
Aux baisers de la chair dont l’âme est éblouie,
Aux chansons, au sourire, à l’amour frais et beau,
Le refroidissement lugubre du tombeau !
VIII
Qu’estce donc que Jeannie a fait chez cette morte ?
Sous sa cape aux longs plis qu’estce donc qu’elle emporte ?
Qu’estce donc que Jeannie emporte en s’en allant ?
Pourquoi son coeur batil ? Pourquoi son pas tremblant
Se hâtetil ainsi ? D’où vient qu’en la ruelle
Elle court, sans oser regarder derrière elle ?
Qu’estce donc qu’elle cache avec un air troublé
Dans l’ombre, sur son lit ? Qu’atelle donc volé ?
IX
Quand elle fut rentrée au logis, la falaise
Blanchissait; près du lit elle prit une chaise
Et s’assit toute pâle ; on eût dit qu’elle avait
Un remords, et son front tomba sur le chevet,
Et, par instants, à mots entrecoupés, sa bouche
Parlait pendant qu’au loin grondait la mer farouche.
‘Mon pauvre homme ! ah ! mon Dieu ! que vatil dire ? Il a
Déjà tant de souci ! Qu’estce que j’ai fait là ?
Cinq enfants sur les bras ! ce père qui travaille !
Il n’avait pas assez de peine ; il faut que j’aille
Lui donner cellelà de plus. C’est lui ? Non. Rien.
J’ai mal fait. S’il me bat, je dirai : Tu fais bien.
Estce lui ? Non. Tant mieux. La porte bouge comme
Si l’on entrait. Mais non. Voilàtil pas, pauvre homme,
Que j’ai peur de le voir rentrer, moi, maintenant !’
Puis elle demeura pensive et frissonnant,
S’enfonçant par degrés dans son angoisse intime,
Perdue en son souci comme dans un abîme,
N’entendant même plus les bruits extérieurs,
Les cormorans qui vont comme de noirs crieurs,
Et l’onde et la marée et le vent en colère.
La porte tout à coup s’ouvrit, bruyante et claire,
Et fit dans la cabane entrer un rayon blanc ;
Et le pêcheur, traînant son filet ruisselant,
Joyeux, parut au seuil, et dit : C’est la marine !
X
‘C’est toi !’ cria Jeannie, et, contre sa poitrine,
Elle prit son mari comme on prend un amant,
Et lui baisa sa veste avec emportement
Tandis que le marin disait : ‘Me voici, femme !’
Et montrait sur son front qu’éclairait l’âtre en flamme
Son coeur bon et content que Jeannie éclairait,
‘Je suis volé, ditil ; la mer c’est la forêt.
Quel temps atil fait ? Dur. Et la pêche ? Mauvaise.
Mais, voistu, je t 1 embrasse, et me voilà bien aise.
Je n’ai rien pris du tout. J’ai troué mon filet.
Le diable était caché dans le vent qui soufflait.
Quelle nuit ! Un moment, dans tout ce tintamarre,
J’ai cru que le bateau se couchait, et l’amarre
A cassé. Qu’astu fait, toi, pendant ce tempslà ?’
Jeannie eut un frisson dans l’ombre et se troubla.
‘Moi ? ditelle. Ah ! mon Dieu ! rien, comme à l’ordinaire,
J’ai cousu. J’écoutais la mer comme un tonnerre,
J’avais peur. Oui, l’hiver est dur, mais c’est égal.’
Alors, tremblante ainsi que ceux qui font le mal,
Elle dit : ‘A propos, notre voisine est morte.
C’est hier qu’elle a dû mourir, enfin, n’importe,
Dans la soirée, après que vous fûtes partis.
Elle laisse ses deux enfants, qui sont petits.
L’un s’appelle Guillaume et l’autre Madeleine ;
L’un qui ne marche pas, l’autre qui parle à peine.
La pauvre bonne femme était dans le besoin.’
L’homme prit un air grave, et, jetant dans un coin
Son bonnet de forçat mouillé par la tempête :
‘Diable ! diable ! ditil, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allonsnous faire ?
Bah ! tant pis ! ce n’est pas ma faute, C’est l’affaire
Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds.
Pourquoi donc
on-t-il pris leur mère à ces chiffons ?
C’est gros comme le poing. Ces choseslà sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.
Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez.
Femme, va les chercher. S’ils se sont réveillés,
Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte.
C’est la mère, voistu, qui frappe à notre porte ;
Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu’il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l’eau, je ferai double tâche,
C’est dit. Va les chercher. Mais qu’astu ? Ça te fâche ?
D’ordinaire, tu cours plus vite que cela.
Tiens, ditelle en ouvrant les rideaux, lès voilà!’
La légende des siècles
Re: Peut-on penser le quotidien
Tu as raison, le ventre aussi plein que ses poches, le philosophe n'a aucun problème du quotidien et des petites tracasseries de la vie.Sao Mai a écrit:Il y a une indication, donnée par Bégout sur ce qu’est le quotidien : aller chercher son pain.
Nous pourrions faire le détail de la vie quotidienne d’une personne. Est-ce que la philosophie s’intéresse à ce quotidien ? Est-ce que la philosophie pense ce quotidien ?
Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien !
Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire.
Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… »
C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.
Le philosophe pense « que l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.
Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien, mais ce n’est pas de l’ignorance.
Le penseur, même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien même il ne veut assumer cette expérience
La philosophie a quelques difficultés à saisir le réel car il est fuyant.
Il y a un énorme fossé entre la philosophie et la réalité quotidienne. C’est ce que la philosophie doit reconnaître pour élaborer une véritable philosophie du quotidien. Le quotidien c’est aussi « les robinets qui fuient, les factures à payer, le lit à faire tous les matins… ».
Bégout nous dit que le philosophe éprouve peut-être une certaine nostalgie d’être enfermé dans la cage de verre de sa réflexion, et ne pouvoir se fondre dans les faits de la vie quotidienne pour les vivre de l’intérieur. Ce qu’il appelle la mélancolie du réel.
Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien, mais plutôt les petites tracasseries de la vie.
Notre époque avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, vise vers le concept. Il y a une véritable ruée vers le quotidien pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show. On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant quelle est extraordinaire. Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.
Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité.
Le philosophe est au dessus de tout cela.
Ce que j'ai décrit, ce n'est pas le quotidien d'une personne mais de millions de personnes dans notre belle France d'aujourd'hui. Alors je pense très sincèrement que la philo pourrait s'y intéresser.
Re: Peut-on penser le quotidien
Sont pas forcément riches, tiens, regarde Diogene,il vivait dans un tonneau et à poil stp,Alpha a écrit:Tu as raison, le ventre aussi plein que ses poches, le philosophe n'a aucun problème du quotidien et des petites tracasseries de la vie.Sao Mai a écrit:[size=43]Il y a une indication, donnée par Bégout sur ce qu’est le quotidien : aller chercher son pain.[/size]
[size=43]Nous pourrions faire le détail de la vie quotidienne d’une personne. Est-ce que la philosophie s’intéresse à ce quotidien ? Est-ce que la philosophie pense ce quotidien ?[/size]
[size=43]Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien ![/size]
[size=43]Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire.[/size]
[size=43]Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… »[/size]
[size=43]C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.[/size]
[size=43] Le philosophe pense « que l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.[/size]
[size=43]Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien, mais ce n’est pas de l’ignorance.[/size]
[size=43]Le penseur, même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien même il ne veut assumer cette expérience[/size]
[size=43]La philosophie a quelques difficultés à saisir le réel car il est fuyant.
Il y a un énorme fossé entre la philosophie et la réalité quotidienne. C’est ce que la philosophie doit reconnaître pour élaborer une véritable philosophie du quotidien. Le quotidien c’est aussi « les robinets qui fuient, les factures à payer, le lit à faire tous les matins… ».[/size]
[size=43]Bégout nous dit que le philosophe éprouve peut-être une certaine nostalgie d’être enfermé dans la cage de verre de sa réflexion, et ne pouvoir se fondre dans les faits de la vie quotidienne pour les vivre de l’intérieur. Ce qu’il appelle la mélancolie du réel.[/size]
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Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien, mais plutôt les petites tracasseries de la vie.
Notre époque avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, vise vers le concept. Il y a une véritable ruée vers le quotidien pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show. On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant quelle est extraordinaire. Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.
Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité.[/size]
Le philosophe est au dessus de tout cela.
Ce que j'ai décrit, ce n'est pas le quotidien d'une personne mais de millions de personnes dans notre belle France d'aujourd'hui. Alors je pense très sincèrement que la philo pourrait s'y intéresser.
Re: Peut-on penser le quotidien
Mina a écrit:Sont pas forcément riches, tiens, regarde Diogene,il vivait dans un tonneau et à poil stp,Alpha a écrit:Tu as raison, le ventre aussi plein que ses poches, le philosophe n'a aucun problème du quotidien et des petites tracasseries de la vie.Sao Mai a écrit:[size=43]Il y a une indication, donnée par Bégout sur ce qu’est le quotidien : aller chercher son pain.[/size]
[size=43]Nous pourrions faire le détail de la vie quotidienne d’une personne. Est-ce que la philosophie s’intéresse à ce quotidien ? Est-ce que la philosophie pense ce quotidien ?[/size]
[size=43]Le chemin est long pour la philosophie avant de se glisser dans le quotidien ![/size]
[size=43]Le quotidien est une source permanente de surprises et de tensions, ce qui n’est pas exactement ce que peut nous offrir l’ordinaire.[/size]
[size=43]Le quotidien échappe au philosophe car il n’a besoin d’aucune justification philosophique : « il appartient à une région où il n’y a rien à connaître… »[/size]
[size=43]C’est ce quotidien, pourtant toujours présent et évident, qui déroute le philosophe.[/size]
[size=43] Le philosophe pense « que l’homme ordinaire » ne connaît pas l’essence des choses, ou refuse de la connaître parce que son unique pensée serait de s’interroger seulement sur le propre déroulement de sa vie et celle de ses proches.[/size]
[size=43]Pourtant, l’homme du quotidien est loin d’ignorer cette essence des choses, mais refuse de la connaître, car pour lui c’est une connaissance inquiétante. Il refuse le quotidien, mais ce n’est pas de l’ignorance.[/size]
[size=43]Le penseur, même s’il remet en cause la quotidienneté, bénéficie pourtant lui aussi de la quotidianisation. L’assurance du monde lui est garantie dans le quotidien, quand bien même il ne veut assumer cette expérience[/size]
[size=43]La philosophie a quelques difficultés à saisir le réel car il est fuyant.
Il y a un énorme fossé entre la philosophie et la réalité quotidienne. C’est ce que la philosophie doit reconnaître pour élaborer une véritable philosophie du quotidien. Le quotidien c’est aussi « les robinets qui fuient, les factures à payer, le lit à faire tous les matins… ».[/size]
[size=43]Bégout nous dit que le philosophe éprouve peut-être une certaine nostalgie d’être enfermé dans la cage de verre de sa réflexion, et ne pouvoir se fondre dans les faits de la vie quotidienne pour les vivre de l’intérieur. Ce qu’il appelle la mélancolie du réel.[/size]
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Pourquoi découvrir le quotidien alors qu’il est l’évidence même ? C’est une fausse évidence. Les problèmes quotidiens ne sont en fait pas le caractère problématique du quotidien, mais plutôt les petites tracasseries de la vie.
Notre époque avec une certaine tendance de la philosophie contemporaine, vise vers le concept. Il y a une véritable ruée vers le quotidien pour ne parler que des blogs, photos numériques et autres talk-show. On s’empare de tous les détails de la vie quotidienne en se persuadant quelle est extraordinaire. Sont reproduites les activités ménagères sans intérêt, les recettes de cuisine, les conversations sans aucune importance, mais cela conforte dans cette sécurisation.
Ce monde quotidien que l’on adopte tous les jours empêche d’être parcouru par le doute et l’insécurité.[/size]
Le philosophe est au dessus de tout cela.
Ce que j'ai décrit, ce n'est pas le quotidien d'une personne mais de millions de personnes dans notre belle France d'aujourd'hui. Alors je pense très sincèrement que la philo pourrait s'y intéresser.
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Diogène loge dans un pithos, une grande jarre, et non dans un tonneau comme cela est souvent abusivement mentionné. Ce logement de fortune, qui s’est banalisé à la suite de la guerre du Péloponnèse à Athènes, nous renseigne également sur la place essentielle qu’occupe la production céramique dans la vie quotidienne des cités grecques.
Re: Peut-on penser le quotidien
Même pas un merci pour vous avoir orienté vers Diogene ? Ce qui t'a permis de chercher sur google
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