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L' empoisonneur médiéval : un vieux mythe

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Message par Invité...Dim 3 Juil 2022 - 17:30


L'année 2020 synonyme de pandémie mondiale a vu l'accroissement des actes antisémites en France, en Allemagne, en Suisse et aux Etats Unis. Sur les réseaux sociaux se font l'écho d'une vieille névrose : les juifs seraient les instigateurs de cette pandémie mondiale.


On les a même imaginés artisans d'un complot ayant pour seul objet la domination mondiale.


Aux origines de cette psychose la première apparition de cette supposée machination se situe en Aquitaine en 1321 ; les juifs et les lépreux sont soupçonnés d'empoisonner les fontaines et les points d'eau afin de répandre une épidémie. Avant même que le roi Philippe V n'ait l'occasion d'intervenir les citadins se font justice eux même arrachant sous la torture des confessions aux suspects.




blogthucydide.wordpress 

L' empoisonneur médiéval : un vieux mythe Juifs-empoisonneurs-0
Juifs brûlés vifs au Moyen Âge. Ils sont reconnaissables à la rouelle jaune qu’ils étaient tenus de porter de manière ostensible sur leurs vêtements.

La pandémie de Covid-19 est l’occasion de voir resurgir un mythe antisémite venu… du Moyen Âge : celui des juifs empoisonneurs. Un mythe médiéval, donc, qui a existé aussi bien en Occident qu’en Islam.
C’est une maladie qui dure depuis des siècles et dont on devine difficilement comment en venir à bout. L’épidémie actuelle de coronavirus offre un terreau favorable au développement des symptômes d’un autre fléau, l’antisémitisme. Elle a remis au goût du jour, en effet, un mythe antijuif datant du Moyen Âge : celui de l’empoisonnement des puits.
Sang humain, poudre d’hostie, pattes de crapaud…
L’une des premières mentions de la légende noire des juifs empoisonneurs d’eau date de 1320. En Aquitaine, à cette époque, la rumeur courut, au début de cette année-là, que les lépreux et les Juifs s’entendaient pour contaminer l’eau des puits et des fontaines afin de répandre des maladies chez les habitants [1]. Cette accusation vit le jour dans un contexte d’antijudaïsme chrétien revigoré par l’esprit de croisade qui s’était emparé de la chrétienté depuis un peu plus de deux siècles, ainsi que par le renforcement des pouvoirs chrétiens (royautés, empire et papauté) qui aboutit à une tolérance de plus en plus insupportable, au sein de la société catholique, d’un groupe déjà mal vu [2].
L’antijudaïsme chrétien provenait en effet de deux sources. La première tenait au fait que les Juifs avaient refusé de reconnaître Jésus comme le Messie. La seconde résidait dans l’assimilation des Juifs à un peuple déicide : ils portaient la malédiction divine d’avoir été responsables, collectivement, de la mort du Christ. À ces deux thèmes s’ajoutait un autre motif d’exécration, souligné par Giovanni Miccoli : si les chrétiens attachaient peu d’importance aux choses d’ici-bas, parmi lesquelles le corps et la réussite matérielle, les Juifs, eux, considéraient au contraire « [l]a pleine jouissance des biens du monde, la prospérité […] comme un don de Dieu et un signe de sa faveur [3] ».
À l’été 1321, la rumeur refit surface, attribuant aux Juifs le projet d’empoisonner les points d’eau et aux lépreux la basse besogne de mettre à exécution ce plan funeste. Léon Poliakov, dans sa célèbre Histoire de l’antisémitisme, donne des détails sur ce prétendu complot. Un lépreux fut arrêté, porteur d’un sachet au contenu magique, qu’il tenait, avait-il avoué, d’un riche Juif qui lui aurait donné dix livres pour le répandre dans les puits. Ce sachet renfermait, disait-on, une poudre faite de sang humain, d’urine, de trois herbes secrètes, auxquels on avait ajouté de la poudre d’hostie. Selon d’autres versions, le poison se composait d’un liquide « très noir et puant » combiné à un mélange de pattes de crapaud, de têtes de serpent et de cheveux de femme [4].
Les Chroniques de Saint-Denis évoquent cette rumeur complotiste :
En l’an 1321, le roi [Philippe V] était en Poitou et on lui annonça qu’en Languedoc tous les lépreux avaient été brûlés. Car ils avaient avoué qu’ils avaient l’intention d’empoisonner tous les puits et fontaines afin de tuer et d’infecter de la lèpre tous les chrétiens. Le seigneur de Parthenai lui envoya en outre sous son sceau la confession d’un lépreux de grand renom avait été accusé par et avait reconnu qu’un Juif puissant et riche l’y avait poussé, lui avait donné 10 livres et remis les drogues nécessaires et lui avait promis que s’il pouvait entraîner les autres lépreux à faire comme lui, il leur fournirait argent et drogues. […] Aussitôt le roi Philippe ordonna par tout le royaume d’arrêter et d’interroger les lépreux ; plusieurs reconnurent que les juifs leur avaient fait de telles offres d’argent et promesses. Ils avaient tenu quatre assemblées en divers pays […][Dans ces assemblées on] disait que le roi de Grenade, que les chrétiens avaient plusieurs fois vaincu, avait dit aux juifs que, s’ils voulaient entreprendre cette machination, il leur fournirait l’argent et les drogues. Ceux-ci dirent qu’ils ne pouvaient pas y procéder eux-mêmes, car, si les chrétiens les voyaient approcher de leurs puits, ils en concevraient des soupçons, mais que cela pourrait être fait par les lépreux qui étaient mêlés à la population [5].

Lors de l’épidémie de peste qui frappa l’Europe à partir de 1348, cette accusation fut particulièrement utile pour trouver des boucs-émissaires et massacrer des Juifs à tour de bras (lire mon article pour Conspiracy Watch : La Peste noire : ses boucs-émissaires et ses complotistes).
Israël, empoisonneur des temps modernes
Né au Moyen Âge, le thème des Juifs empoisonneurs d’eau fait partie de ces croyances coriaces qui résistent encore aux progrès de la civilisation, de la raison et de la tolérance. En particulier, il retrouva une nouvelle jeunesse dans le monde arabe, traumatisé par la création d’Israël en 1948. La propagande antisioniste, maquillage progressiste de l’antisémitisme, n’hésita pas à faire appel aux poncifs médiévaux pour diaboliser l’État hébreu.
Dans les années 1980, la presse égyptienne s’en fit plusieurs fois l’écho. Le quotidien Al-Ahram, par exemple, affirma sans ambages : « Israël est responsable de la fièvre aphteuse en Égypte [6]. » Un autre quotidien, Sawt al-Arab, accusa les Israéliens de « vendre à l’Égypte des graines, des plantes et du bétail contaminés afin de détruire l’agriculture locale [7] ». Quant au journal Al Wafd, il décelait dans la peste du mouton touchant le nord du pays un virus venu d’Israël… [8]
En 1983, une affaire retint l’attention. Une centaine de jeunes filles arabes de Judée et Samarie furent victimes de ce qui fut, vraisemblablement, une hystérie collective. Ce fut l’occasion pour la propagande de l’OLP d’invoquer un empoisonnement collectif dû à des Juifs qui auraient « fait respirer des poisons aux écolières, contaminé leur eau, leur coca-cola, répandu ou vaporisé des poudres jaunes » avec un objectif précis : « stériliser les futures mamans, pousser la population à l’exode [9]. »
La presse égyptienne, comme celle de Jordanie, répandaient aussi des rumeurs sur la distribution, par Israël, de prétendus chewing-gums et bonbons empoisonnés destinés à tuer les enfants et à corrompre sexuellement les femmes (dans L’antisémitisme musulman. Un danger très actuel, page 42). En 1997 encore, un responsable de l’Autorité palestinienne n’eut aucune honte à déclarer (même document, page 46) :
Israël distribue des vivres contenant une substance provoquant le cancer, des hormones préjudiciables à la virilité, ainsi que des produits alimentaires avariés […] afin d’empoisonner la population palestinienne et de lui nuire.

Les origines islamiques de la croyance
Dans son ouvrage La maladie de l’islam, Abdelwahab Meddeb rapportait des rumeurs complotistes antisémites circulant dans le monde arabe. L’une d’elles, dont il eut connaissance en mai 2001, était une version légèrement remaniée du thème de l’empoisonnement : Israël aurait fait fabriquer des ceintures vendues aux Arabes contenant une puce qui propagerait un mal incurable.
En 2004, à la mort de Yasser Arafat, les bruits coururent rapidement que le chef de l’OLP avait été empoisonné par les Israéliens, aidés par certains de ses proches qui l’auraient trahi. Le sujet fut l’occasion pour l’historien Franck Collard de rappeler les origines proprement islamiques de ces rumeurs dans un article paru dans L’Histoire en 2005 [10].
Dans sa biographie de Mahomet rédigée au VIIIe siècle, Ibn Ishâk décrivait une scène de repas. Le prophète mangeait avec ses compagnons un mouton rôti offert par une femme juive. Tandis qu’il commençait à en goûter, la viande se mit à parler pour le dissuader d’en ingérer encore. L’un des convives tomba d’ailleurs malade et mourut. À la fin de sa vie, Mahomet déclara qu’il ressentait les effets du poison ingurgité à cette occasion.
L’historien Al-Tabari (mort en 923), de son côté, relata un épisode similaire avec le calife Abou Bakr qui s’était vu présenté un plat de riz par un Juif qui y avait mis du poison. Le calife mourut un an plus tard…
Un rabbin qui aurait appelé à empoisonner l’eau des Palestiniens
Il y a quatre ans seulement, le thème du Juif empoisonneur trouva une nouvelle occasion de s’exprimer. Le 14 juin 2016, fut publiée la déclaration de l’un des fondateurs, pro-palestinien, de l’ONG israélienne Breaking the silence, confiant son étonnement de voir revenir les habitants d’un village de Cisjordanie dont les eaux avaient été empoisonnés par les colons israéliens.
Le 16 juin, un communiqué de l’agence de presse officielle turque Anadolu diffusa la fausse information d’après laquelle un certain Shlomo Mlma, prétendument chef d’un soi-disant « Conseil des rabbins de Cisjordanie » — qui n’a jamais existé — aurait autorisé l’empoisonnement de l’eau des villes et villages des territoires palestiniens. Se basant sur les dires du militant de Breaking the silence, le communiqué expliquait ce plan d’empoisonnement par la volonté de s’emparer de territoires palestiniens.
Comme si cela ne suffisait pas, Mahmoud Abbas, le dirigeant de l’Autorité palestinienne, fit un discours, le 23 juin, devant le Parlement européen, dans lequel il dénonçait le projet de certains rabbins israéliens d’empoisonner l’eau des Palestiniens. Quelques jours plus tard, il fut contraint de présenter des excuses pour avoir propagé une accusation venue d’un autre âge.
Les Juifs, les créateurs du SARS-CoV-2
L' empoisonneur médiéval : un vieux mythe Juifs-empoisonneurs-2
Le tweet de Dutertet.

C’est pourtant de cet âge que provint le contenu du tweet d’un certain Dutertet posté le 23 mars 2020, suggérant que l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, son mari, ex-PDG de l’Inserm, Yves Lévy, et le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, auraient sciemment exposé les Français à l’épidémie de Covid-19, concluant son propos par cette phrase : « Mais bon officiellement l’empoisonnement des puits au moment de la peste relève du mythe [.] »
L' empoisonneur médiéval : un vieux mythe Juifs-empoisonneurs-1
Caricature circulant actuellement sur les réseaux sociaux.

Comme l’analyse Pierre-André Taguieff dans une récente interview accordée à Conspiracy Watch :
Dans la mise en accusation d’Agnès Buzyn, d’Yves Lévy et de Jérôme Salomon, dont la commune judéité est soulignée par les caricaturistes, la dénonciation complotiste s’entrecroise avec une incrimination de complicité dans une opération criminelle, dans laquelle on peut voir une forme dérivée de l’accusation de meurtre rituel. Résurgence d’une mentalité archaïque.

Dès le mois de janvier 2020 des théories complotistes attribuaient aux Juifs la responsabilité de la pandémie. C’est une secte juive qui aurait créé le virus afin de déclencher une panique boursière dans l’espoir de tirer profit de l’effondrement des marchés. On retrouve là un autre cliché éculé de l’antisémitisme associant les Juifs et l’argent : le vieil anticapitalisme fonctionne toujours comme carburant de la haine du Juif. La théorie se diffusant, on l’a retrouvée quelques semaines plus tard dans la bouche d’un Turc qui déclarait :
Les Juifs, les sionistes, ont conçu le nouveau coronavirus comme une arme biologique, comme la grippe aviaire… pour soumettre le monde, s’emparer de pays et stériliser la population mondiale.

Au passage, les efforts habituels visant à ériger une barrière hermétique entre antisionisme et antisémitisme se retrouvaient ici réduits à néant. Car dans ces propos, il faut noter l’apposition : dans l’esprit de leur auteur, « les sionistes » désignent très clairement « [l]es Juifs ».
Les temps changent mais certaines croyances restent. Nombreux sont les observateurs (intellectuels, journalistes, politiques…) qui voient déjà dans l’actuelle pandémie de Covid-19 un événement-rupture. Mais la rupture, en l’occurrence, est également l’occasion de prolonger la vie d’une légende… née au Moyen Âge.
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Notes
[1] Jean-Noël Biraben, Les Hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, 2 vol., Paris-La Haye, Mouton, 1975-1976, p. 58.
[2] Giovanni Miccoli, « Ils ont tué le Christ… », in L’Histoire, octobre 2002, n° 269, p. 40.
[3] Ibid., p. 39.
[4] Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme. 1. L’âge de la foi, Paris, Le Seuil, « Points Histoire », 1994, p. 288.
[5] Cité par Françoise Hildesheimer, Fléaux et société : de la Grande Peste au choléra XIVe-XIXe siècle, Paris, Hachette, « Carré histoire », p. 89.
[6] Paul Giniewshi, Antisionisme : le nouvel antisémitisme, Cheminements, 2005, p. 81.
[7] Ibid., p. 81.
[8] Ibid., p. 82.
[9] Ibid, p. 83.
[10] Franck Collard, « Arafat, Mahomet et le poison », in L’Histoire, février 2005, n° 295, pp. 20-21.
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Message n° 2

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Message par Invité...Dim 3 Juil 2022 - 17:34


les graines de la shoah :


Au XIXe siècle certains pensent que la Révolution française est le fruit d'un mystérieux complot judéo maçonnique servant les aspirations suprémacistes de cette communauté. Une autre partie ancrée à gauche prsiste à croire que le capitalisme naissant est lié au monde de la finance juive. 


Un texte originaire de Russie "Protocoles des Sages de Sion" en 1903, créé par la police secrète du tsar mais qui se présente comme un plan de conquête du monde  renforce la thèse de la conspiration.
 Un historien Norman Cohn décrit ce texte comme la pièce maitresse d'une idéologie exterminatrice et entre des mains expertes au maniement des mythes un chèque en blanc pour le génocide. Le texte sèmera les graines de la Shoah dans les consciences européennes préparant le terrain pour les grandes purges des années 1940.



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