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Le modèle noir dans l'Art

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Message n° 1

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Message par Invité...Ven 20 Mai 2022 - 18:33


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Message n° 2

Le modèle noir dans l'Art EmptyRe: Le modèle noir dans l'Art

Message par Invité...Ven 20 Mai 2022 - 18:37


Quelle est la place des Noirs dans l'art français aux XIXe et XXe siècles ? Quelles ont été les vies des modèles qu'on appelait «Nègres» ? Comment les représente-t-on ? Que nous apprennent ces représentations de leur situation sociale, politique, économique, avant et après l'abolition de l'esclavage, puis du temps de l'empire colonial ? Que nous montrent-elles des regards successifs que les Blancs ont portés sur les Noirs ? La grande exposition du musée d'Orsay donne à voir une multitude de réponses sur presque deux siècles à travers la peinture, le dessin, la sculpture, la photographie, les affiches, les films - et même une extraordinaire poupée couverte de plumes roses de cette héroïne populaire et transgressive que fut la danseuse et chanteuse Joséphine Baker.


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Il y a les magnifiques portraits anonymes au XIXe siècle de femmes et d'hommes noirs, souvent graves, qui semblent porter le silence de leur condition. Il y a les petits dessins que Baudelaire fait de sa maîtresse Jeanne Duval, où elle semble beaucoup plus belle que dans le célèbre portrait qu'en a peint Manet, revenu de Budapest pour l'occasion, et qui débute en bas par une extravagante robe de Vélasquez pour finir là-haut par un méchant petit visage jaunâtre à la Goya. Il y a les photos léonines par Nadar des métis Dumas père et fils, et les caricatures des mêmes soit par lui, soit par Cham, qui les «négrifient» considérablement ; et il y a les photos, toujours par Nadar, de la célèbre Cubaine Maria Martinez, dont Baudelaire écrit en 1860 à Mme Sabatier : «Saviez-vous que l'infortunée señora Martinez roulait dans les cafés lyriques, et qu'elle chantait, il y a quelques jours, à l'Alcazar ?» Souvent, les fins de vie de ces modèles sont misérables. Leur activité et leur gloire étaient documentées ; leur déclin se perd dans l'absence de témoignages et l'oubli. Chaque destin semble appeler un roman, une rétribution.

Divan

Un mérite de l'exposition, en les sortant du néant, est d'inciter à des réflexions, à des recherches. Tout est montré clairement, sans être politiquement correct, ni incorrect. Il s'agit d'informer par l'art ; de voyager dans les regards qu'une société, à travers ses artistes, ses écrivains et ses spectacles, a portés sur ceux qu'elle avait colonisés, esclavagisés puis, en leur réservant quelques emplois bien déterminés, libérés. Que pouvait faire un Noir, une Noire dans cette société-là ? Domestique, musicien, danseur, boxeur, prostituée, cocotte, nourrice ; puis, à partir de 1914, soldat. On passe les salles, les corps, les visages, en se disant que quelque chose, depuis l'abolition de l'esclavage, a été raté. Les Noirs qui subissaient et luttaient au XIXe siècle sont des figures actives, en pleine dignité. Ils deviennent, sous la IIIe République coloniale, des figures du plaisir et du divertissement. Paris a eu un maire noir en 1879, un métis né d'esclaves cubains affranchis, cousin du poète José-Maria de Heredia. Ce n'était plus imaginable en 1900 ; on se demande si ça l'est aujourd'hui.


L'exposition débute par les manuscrits de l'abolition française de l'esclavage, en 1794 puis en 1848, Bonaparte ayant rétabli celui-ci en 1802, pour des raisons politiques plus que par conviction. Elle se clôt sur une œuvre espiègle d'Ellen Gallagher, artiste contemporaine afro-américaine : sur un mur à la surface subtilement parcheminée, une photo en noir et blanc, agrandie, est projetée. Matisse, assis, dessine en 1928 l'une des trois femmes noires qui lui servirent de modèle au cours de sa vie, Zita - mais la tête de Freud a remplacé celle du peintre, et celle de Gallagher, la tête de Zita. Le divan sur lequel celle-ci était allongée a changé de fonction. C'est maintenant l'artiste noire qui scrute violemment le peintre français (ou le psychanalyste viennois), comme si elle allait percer son mystère et, sans doute, révéler sa culture de Blanc, puisqu'il s'agit, du moins semble-t-il, de montrer comment «l'identité noire» du modèle a été effacée. Quelques sublimes toiles de Matisse, comme Portrait de Fatmah, «dite précédemment la mulâtresse Fatmah» (1912), ou l'Asie (1946), sont là pour rappeler qu'elle n'y arrivera pas. La puissance formelle et le raffinement épuré du peintre dissolvent aisément les discours issus des études post-coloniales.

Croûtes


L'œuvre de Matisse renvoie à l'Olympia de Manet, qui ouvre l'art moderne et qui est le pivot de l'exposition. La servante noire du tableau a fait l'objet de peu de commentaires. Georges Bataille écrit : «La servante noire entrée dans l'ombre est réduite à l'aigreur rose et légère de la robe.» Elle reste, en somme, à sa place. La plupart des critiques et écrivains se concentrent sur la femme blanche, qui fait le scandale et la nouveauté du tableau. Sa nudité éclate comme les lueurs d'un meuble insolite. Son regard froid et direct, peut-être amusé, met à nu le public qui la découvre, et qui se fiche de la servante. Le chat noir lui-même a été plus étudié. Le modèle noir n'existe que comme contrepoint esthétique et sensuel. La vision sociale est bien là, il fallait un certain statut pour se payer une bonne comme ça, mais elle n'est qu'un point de départ. Elle se dissout dans le silence et la violence du tableau.



Comme presque toujours en art, les grandes œuvres qui jalonnent l'exposition sont d'une agressivité ambiguë. Elles évoluent dans un estuaire entre sensualité physique, sensation coloniale et audace formelle. Jamais elles ne se laissent réduire par une lecture politique et morale. Les œuvres édifiantes, animées par un réalisme sentimental, sont plus volontiers des croûtes ; elles datent pour la plupart de la seconde partie du XIXe siècle et n'en sont pas moins des documents intéressants. Le modèle noir acquiert une dignité, en tout cas la dignité que les artistes lui accordent. Il y a ainsi une splendide rangée de portraits de femmes, au travail ou livrées à ce qui ressemble à de la fatigue mais, pour l'essentiel, tant que le modèle noir s'inscrit dans un combat politique, de la révolte de Saint-Domingue à l'abolition, ce sont d'abord des hommes qu'on voit. Ce sont eux qui luttent et qui sont réprimés. La femme prend le relais baudelairien et installe son corps, propre à la jouissance masculine, dans ce qui suit.

Châtiment

Dans la catégorie des grandes œuvres, on trouve bien sûr, au début, les tableaux et dessins de Géricault. Certains ont pour modèle Joseph, le modèle noir le plus célèbre de son époque, que l'on retrouve de peintre en peintre, et qui fut embauché en 1835 par l'école des Beaux-Arts. Géricault le peint parfois comme une extraordinaire masse de peinture où la force côtoie l'abstraction (Portrait d'homme, 1819), parfois de manière plus réaliste, les yeux injectés de sang et de tristesse, portant toute la misère d'un peuple (Etude d'homme, d'après le modèle Joseph, 1818-1819). Du même, une aquarelle des mêmes années, où tous les corps sont bleus, montre un épisode de la guerre coloniale, à Haïti. Un Noir, avec une étrange calotte rouge de genre grec sur la tête, dirige la révolte sur un cheval cabré, tel un hussard de l'Empire. Il est super musclé. Les soldats français sont regroupés dans la partie inférieure de la toile, baïonnettes sous les sabots du cheval, réduits à l'état d'ombres menaçantes et écrasées, presque des silhouettes de Goya.


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On retrouve Joseph dans une extraordinaire étude peinte sur fond bleu de Théodore Chassériau, peintre né à Saint-Domingue et élève d’Ingres. Son père avait été l’ami de Simón Bolívar. Un dessin d’Ingres, sur lequel sont écrites ses multiples et précises exigences, indique que celui-ci avait demandé à Chassériau l’étude d’un «Nègre» qui tombe en arrière, pour figurer la chute de Satan, autrement dit la défaite du «mal noir» (face au mâle blanc ?). Faut-il voir, dans la requête d’Ingres, de la perversité ? Ce jugement serait sans doute anachronique. Le résultat, en tout cas, est remarquable ; car, si ce Noir, peint en 1838, est une incarnation de Satan, son regard triste et doux, la beauté de son visage, sa force renversée, le poing fermé supplémentaire que Chassériau a peint avec une autre main sur la toile comme un signe né de la colère ou du vide, tout fait exploser une formidable figure de la révolte. Peut-être Chassériau a-t-il adressé à Ingres un message que l’histoire française allait mettre encore neuf ans à réaliser, que l’histoire tout court n’en finit plus d’entendre. On ne peut regarder ce tableau de commande sans se dire avec Sartre et les défunts maoïstes que, même au risque de devenir le diable, quand on est opprimé on a toujours raison de se révolter.


Piquets

Parmi les croûtes édifiantes, la plus saisissante est le Châtiment des quatre piquets dans les colonies, peint en 1843 et post-daté de 1849, donc après l'abolition de l'esclavage, par Marcel Antoine Verdier. Un Noir nu, allongé à terre sur le ventre et attaché à quatre piquets, est fouetté par un contremaître noir. Autour d'eux, la vie continue. Un enfant est dans les bras de sa mère. Des femmes ramassent le blé. Un esclave verse de l'eau à l'une de ses compagnes. Un autre, enchaîné, observe mélancoliquement la scène : son tour va peut-être venir. On entendrait presque les oiseaux chanter. Le tableau montre à quel point le châtiment est inscrit dans la vie quotidienne. Il rappelle une scène de Cecilia Valdés, chef-d'œuvre de l'écrivain cubain Cirilo Villaverde, sans doute le plus grand roman sur la société esclavagiste du XIXe siècle. La maîtresse des lieux, une rude Espagnole, se plaint à son mari de ce que les cris des esclaves corrigés, à l'aube, l'empêchent de continuer sa nuit. L'héroïne du livre, métisse, est la fille que le mari a eue en douce avec l'une de ses esclaves. Elle aurait fait un excellent modèle, mais ça finit mal.
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