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Les quatre sergents de la Rochelle !
Les quatre sergents de la Rochelle !
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REGION
CRITIQUE
Les quatre sergents de La Rochelle
CRITIQUE. Plongé d'une traite et voyageant au bout d'une nuit complète dans le remarquable ouvrage de Jacques-Olivier Boudon : Les quatre sergents de La Rochelle. Le dernier crime de la monarchie, j'en ressors nourri, étonné et ébloui. C'est paru chez Passés/Composés, vaillante et valable petite maison, qui est en train de bâtir un catalogue passionnant.
Raphaël LAHLOUHistorien et géographe
Publié le 5 mars 2021
Jacques-Olivier Boudon est l'un de nos plus éminents historiens napoléoniens, et son approche précise et solide du bonapartisme sous tous ses aspects les plus nuancés et les plus riches est parfaitement connue, et digne de l'être. C'est aussi l'un des plus dignes disciples de Jean Tulard, et un bel analyste des romantismes et de la vie politique déracinée d'après l'Empire... Il offre donc à redécouvrir dans son nouvel ouvrage le destin de quatre hommes sacrifiés, quatre hommes en pantalon rouge ! C'était en 1822. Et le drame s'achevait, pour son immédiateté mais non pas pour sa mémoire, à Paris...
Ce nouveau livre est essentiel et nécessaire, par sa précision, sa richesse archivistique et documentaire, sa vigueur d'analyse et sa pénétration subtile et fine des réalités politiques et des réalités sociales et littéraires de l'époque et du plein et absolu souvenir du drame qu'il raconte. Partie par partie, chapitre après chapitre, c'est une marqueterie intellectuelle et historique complexe, c'est une épopée aux apparences intimes et minimes, mais portant une vérité majeure, que construit puis projette progressivement Jacques-Olivier Boudon ; les destins des fameux quatre sergents sont décortiqués avec justesse, mesure et empathie. Mais c'est aussi l'étude complexe et nette de la charbonnerie française et de ses diverses ramifications que ce livre sait offrir, avec de multiples pistes et plongées profondes, c'est ensuite toute la mécanique des complots et des manipulations qui font grossir l'affaire et l'ensemble des enquêtes d'Orléans à Paris qu'il parvient à montrer et à démonter, comme aucune étude plus ancienne et classique n'était parvenue à le faire jusque-là; tout un mécanisme politique, policier, tout un ensemble des réalités judiciaires et militaires, voilà ce que vous découvrirez dans ces pages essentielles et fortes, appuyées sur une charpente intellectuelle et une méthode d'historien remarquable. C'est un livre majeur pour comprendre nos théories et pratiques nationales des crispations et des climats politiques et judiciaires, autant que les servitudes et grandeurs militaires. Et les sacrifices et cicatrices morales qui vont avec.
Tout un monde palpitant revit dans cet ensemble superbe, dans ce tragique opéra de papier, dans ce drame romantique et réel, dans cette tragédie d'un sacrifice national, dans cette évocation d'une mécanique implacable et tragique. C'est l'époque d'Alexandre Dumas pas encore père, d'un Balzac débutant, c'est un mélange d'illusions et de cruautés, de traditions révolutionnaires revisitées, de réinstallation ultra de l'idée monarchique, et d'un bonapartisme qu'on croyait liquidé à Sainte-Hélène. C'est une France aux multiples déchirements et à l'unité introuvable qui reprend des couleurs ou qui se met à la grisaille de certaines gravures qu'on peut dans ce livre-là mieux comprendre ou découvrir.
Avec rigueur et énergie, avec placidité et solidité, avec une élégance de forme et de ton et une justesse totale dans les nuances, Jacques-Olivier Boudon vient d'offrir non seulement à son sujet une forme d'étude érudite, absolue et définitive, mais il vient de rendre une voix incroyablement vraie, exacte, présente et vivante aux acteurs d'un drame policier et politique national qui, trop souvent, avait été étrangement mal compris.
Du complot dans lequel étaient embarqués les quatre sergents suppliciés et sacrifiés de La Rochelle, des secrets orléanais, des méandres d'une enquête policière parisienne ou des implacabilités du déroulement et des conséquences fatales d'un procès, on n'avait souvent su conserver qu'une vision ou des versions caricaturales ou des images d'Epinal. Avec le travail exemplaire de Jacques-Olivier Boudon, c'est l'ensemble d'un monde virulent autant que vivant et vibrant : c'est la réalité sensible de personnages, de leurs épreuves, c'est une véritable suite à l'eau-forte que l'on retrouve et que l'on examine. Mais, outre les mécanismes d'un drame aussi intime que général, politique et pointilliste, c'est l'impact de cette tragédie aussi que Jacques-Olivier Boudon réussit à rendre, avec ses échos profonds et durables, c'est un ensemble d'oublis qu'il conjure également. Car l'une des grandes forces de ce grand livre d'histoire et d'historien, c'est une ultime réussite: celle de faire exactement mesurer non seulement les détails et les trucages d'un jeu public et secret, mais surtout de préciser les contours, les éclats et les entailles et blessures d'une mémoire qui, malgré le fait qu'elle ait pu être assez souvent explorée (mais pas aussi attentivement que par ce livre) par la littérature, les arts et les archives, n'a cependant pas été toujours bien comprise. Cette mémoire historique, analyse faite avec éloquence, avec rigueur, avec élégance, c'est celle d'un monde politique et militaire, d'une nation et de ses divisions, celle de quelques hommes et de tous ceux qui les entouraient jusqu'à obtenir leur étouffement et leur mort, c'est celle qui conduisait inéluctablement au pied d'un échafaud politique décidément tranchant, c'est enfin celle d'une réalité et de ses accommodements. Tragique et exemplaire, le récit de Jacques-Olivier Boudon, magistralement publié chez Passés/Composés, offre une leçon décisive et que je crois définitive sur une page politique et historique qui ne mérite aucun oubli.
Il y a une étrangeté superbe dans ce beau livre de tristesse et de mélancolie, d'énergie désespérée, rempli de mystères, de hontes et de profondes injustices bien réelles, il y a une vérité complète dans cet ouvrage si parfaitement réussi et équilibré jusque dans ses horreurs bien peintes et ses orages vifs ou retardés, et cette étrangeté si nette et réussie tient dans un ton qui fait déjà, mine de rien, de cet ouvrage clair et bien écrit, ce qu'il est sans peut-être que son auteur ne s'en soit bien rendu compte; cette étrangeté de haut mérite tient donc simplement en cette appréciation: le bel ouvrage (au sens aussi artisanal du mot) de M. Jacques-Olivier Boudon restitue en fait tout un monde, il est d'ores et déjà et pleinement ceci: un classique!
On le lira comme par comparaison on le fait pour redécouvrir d'autres époques, les temps médiévaux par exemple, via les études de Jacques Le Goff, d'Emmanuel Le Roy Ladurie ou de Carlo Ginzburg, notamment. Ou les Romains via Ronald Syme. Montesquieu avait "ses" Romains, et Voltaire "son" siècle de Louis XIV. Les quatre sergents et leur drame ont leur meilleur serviteur, analyste et mémorialiste, et c'est Jacques-Olivier Boudon.
Après un livre pareil, quand le rideau du drame retombe et que l'ultime page est tournée, quand le livre est refermé, comment retenir un cri ? Et quel cri convient mieux que celui-ci, d'escrimeur : "Touché !", ou de spectateur: "Bravo"? Non en fait, c'est un mot qui s'impose, retenu et murmuré plus encore que crié, c'est celui qui définit une vertu rare, et le sens d'un grand travail qui doit être justement et bien salué. Ce mot, qui ramasse tout, efforts et qualités mélangés, c'est celui-ci : le respect ! Celui que doit recevoir ici un maître historien et celui qui doit tomber de haut et à plein sur l'équivalent total « d'un maître bouquin », comme le disait parfois, avec son exactitude un peu forte de ton, l'enthousiaste Léon Daudet, ce maître critique
REGION
CRITIQUE
Les quatre sergents de La Rochelle
CRITIQUE. Plongé d'une traite et voyageant au bout d'une nuit complète dans le remarquable ouvrage de Jacques-Olivier Boudon : Les quatre sergents de La Rochelle. Le dernier crime de la monarchie, j'en ressors nourri, étonné et ébloui. C'est paru chez Passés/Composés, vaillante et valable petite maison, qui est en train de bâtir un catalogue passionnant.
Auteur
Raphaël LAHLOUHistorien et géographe
Publié le 5 mars 2021
- J'EN PROFITE!
Jacques-Olivier Boudon est l'un de nos plus éminents historiens napoléoniens, et son approche précise et solide du bonapartisme sous tous ses aspects les plus nuancés et les plus riches est parfaitement connue, et digne de l'être. C'est aussi l'un des plus dignes disciples de Jean Tulard, et un bel analyste des romantismes et de la vie politique déracinée d'après l'Empire... Il offre donc à redécouvrir dans son nouvel ouvrage le destin de quatre hommes sacrifiés, quatre hommes en pantalon rouge ! C'était en 1822. Et le drame s'achevait, pour son immédiateté mais non pas pour sa mémoire, à Paris...
Ce nouveau livre est essentiel et nécessaire, par sa précision, sa richesse archivistique et documentaire, sa vigueur d'analyse et sa pénétration subtile et fine des réalités politiques et des réalités sociales et littéraires de l'époque et du plein et absolu souvenir du drame qu'il raconte. Partie par partie, chapitre après chapitre, c'est une marqueterie intellectuelle et historique complexe, c'est une épopée aux apparences intimes et minimes, mais portant une vérité majeure, que construit puis projette progressivement Jacques-Olivier Boudon ; les destins des fameux quatre sergents sont décortiqués avec justesse, mesure et empathie. Mais c'est aussi l'étude complexe et nette de la charbonnerie française et de ses diverses ramifications que ce livre sait offrir, avec de multiples pistes et plongées profondes, c'est ensuite toute la mécanique des complots et des manipulations qui font grossir l'affaire et l'ensemble des enquêtes d'Orléans à Paris qu'il parvient à montrer et à démonter, comme aucune étude plus ancienne et classique n'était parvenue à le faire jusque-là; tout un mécanisme politique, policier, tout un ensemble des réalités judiciaires et militaires, voilà ce que vous découvrirez dans ces pages essentielles et fortes, appuyées sur une charpente intellectuelle et une méthode d'historien remarquable. C'est un livre majeur pour comprendre nos théories et pratiques nationales des crispations et des climats politiques et judiciaires, autant que les servitudes et grandeurs militaires. Et les sacrifices et cicatrices morales qui vont avec.
Tout un monde palpitant revit dans cet ensemble superbe, dans ce tragique opéra de papier, dans ce drame romantique et réel, dans cette tragédie d'un sacrifice national, dans cette évocation d'une mécanique implacable et tragique. C'est l'époque d'Alexandre Dumas pas encore père, d'un Balzac débutant, c'est un mélange d'illusions et de cruautés, de traditions révolutionnaires revisitées, de réinstallation ultra de l'idée monarchique, et d'un bonapartisme qu'on croyait liquidé à Sainte-Hélène. C'est une France aux multiples déchirements et à l'unité introuvable qui reprend des couleurs ou qui se met à la grisaille de certaines gravures qu'on peut dans ce livre-là mieux comprendre ou découvrir.
Avec rigueur et énergie, avec placidité et solidité, avec une élégance de forme et de ton et une justesse totale dans les nuances, Jacques-Olivier Boudon vient d'offrir non seulement à son sujet une forme d'étude érudite, absolue et définitive, mais il vient de rendre une voix incroyablement vraie, exacte, présente et vivante aux acteurs d'un drame policier et politique national qui, trop souvent, avait été étrangement mal compris.
Du complot dans lequel étaient embarqués les quatre sergents suppliciés et sacrifiés de La Rochelle, des secrets orléanais, des méandres d'une enquête policière parisienne ou des implacabilités du déroulement et des conséquences fatales d'un procès, on n'avait souvent su conserver qu'une vision ou des versions caricaturales ou des images d'Epinal. Avec le travail exemplaire de Jacques-Olivier Boudon, c'est l'ensemble d'un monde virulent autant que vivant et vibrant : c'est la réalité sensible de personnages, de leurs épreuves, c'est une véritable suite à l'eau-forte que l'on retrouve et que l'on examine. Mais, outre les mécanismes d'un drame aussi intime que général, politique et pointilliste, c'est l'impact de cette tragédie aussi que Jacques-Olivier Boudon réussit à rendre, avec ses échos profonds et durables, c'est un ensemble d'oublis qu'il conjure également. Car l'une des grandes forces de ce grand livre d'histoire et d'historien, c'est une ultime réussite: celle de faire exactement mesurer non seulement les détails et les trucages d'un jeu public et secret, mais surtout de préciser les contours, les éclats et les entailles et blessures d'une mémoire qui, malgré le fait qu'elle ait pu être assez souvent explorée (mais pas aussi attentivement que par ce livre) par la littérature, les arts et les archives, n'a cependant pas été toujours bien comprise. Cette mémoire historique, analyse faite avec éloquence, avec rigueur, avec élégance, c'est celle d'un monde politique et militaire, d'une nation et de ses divisions, celle de quelques hommes et de tous ceux qui les entouraient jusqu'à obtenir leur étouffement et leur mort, c'est celle qui conduisait inéluctablement au pied d'un échafaud politique décidément tranchant, c'est enfin celle d'une réalité et de ses accommodements. Tragique et exemplaire, le récit de Jacques-Olivier Boudon, magistralement publié chez Passés/Composés, offre une leçon décisive et que je crois définitive sur une page politique et historique qui ne mérite aucun oubli.
Il y a une étrangeté superbe dans ce beau livre de tristesse et de mélancolie, d'énergie désespérée, rempli de mystères, de hontes et de profondes injustices bien réelles, il y a une vérité complète dans cet ouvrage si parfaitement réussi et équilibré jusque dans ses horreurs bien peintes et ses orages vifs ou retardés, et cette étrangeté si nette et réussie tient dans un ton qui fait déjà, mine de rien, de cet ouvrage clair et bien écrit, ce qu'il est sans peut-être que son auteur ne s'en soit bien rendu compte; cette étrangeté de haut mérite tient donc simplement en cette appréciation: le bel ouvrage (au sens aussi artisanal du mot) de M. Jacques-Olivier Boudon restitue en fait tout un monde, il est d'ores et déjà et pleinement ceci: un classique!
On le lira comme par comparaison on le fait pour redécouvrir d'autres époques, les temps médiévaux par exemple, via les études de Jacques Le Goff, d'Emmanuel Le Roy Ladurie ou de Carlo Ginzburg, notamment. Ou les Romains via Ronald Syme. Montesquieu avait "ses" Romains, et Voltaire "son" siècle de Louis XIV. Les quatre sergents et leur drame ont leur meilleur serviteur, analyste et mémorialiste, et c'est Jacques-Olivier Boudon.
Après un livre pareil, quand le rideau du drame retombe et que l'ultime page est tournée, quand le livre est refermé, comment retenir un cri ? Et quel cri convient mieux que celui-ci, d'escrimeur : "Touché !", ou de spectateur: "Bravo"? Non en fait, c'est un mot qui s'impose, retenu et murmuré plus encore que crié, c'est celui qui définit une vertu rare, et le sens d'un grand travail qui doit être justement et bien salué. Ce mot, qui ramasse tout, efforts et qualités mélangés, c'est celui-ci : le respect ! Celui que doit recevoir ici un maître historien et celui qui doit tomber de haut et à plein sur l'équivalent total « d'un maître bouquin », comme le disait parfois, avec son exactitude un peu forte de ton, l'enthousiaste Léon Daudet, ce maître critique
Re: Les quatre sergents de la Rochelle !
Des sujets historiques passionnants...venant d'une " forumeuse" certainement passionnante à tous égards..
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