La Grande Peur de l'An Mil ( ou prétendue Grande Peur ! )

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On sait bien sûr qu'il n'y eut jamais de Grande Peur de l'An mil, qu'il s'agit d'une invention des historiens "romantiques" du XIXème siècle, genre Michelet qui présente cette période comme un temps de terreur apocalyptique, l'attente de Satan . Et pendant plus d'un siècle, on crut aux élucubrations de ces " historiens" !

C'est oublier que la plupart des gens ne savaient pas très bien en quelle année ils vivaient.

C'est oublier que la XIème siècle est l'époque d'un redémarrage de l'économie, favorisé par un réchauffement climatique et par l'arrêt des incursions vikings et arabes ( ce qui démontre, au passage, que les changements climatiques ne sont pas forcément le fait des activités humaines    )

Les paysans - la grande majorité des habitants - profitent alors d'une relative prospérité et étendent leurs terres cultivées. On perfectionne les charrues, on multiplie les moulins à eau, il y a moins de famines, les villes commerçantes se développent autour d'une abbaye ou d'un château.




Les gens d'Eglise ( forcément d'Eglise catholique car il n'y a pas encore de protestants ) s'efforcent d'adoucir les mœurs :ils imposent la " Trêve de Dieu" les dimanches et pendant certaines périodes sacrées; ils excommunient celui qui prend les biens des pauvres et, plus égoïstement, celui qui frappe les clercs; ils imposent un serment de fidélité à ces principes de paix. La guerre n'est plus autorisée que quatre-vingt jours répartis dans l'année. Il est même ( très théoriquement, probablement ) à un chrétien de tuer un autre chrétien. Le pays se couvre d'églises "romanes".




Alors, quelles sont donc les sources sur lesquelles s'appuient l'imaginatif Jules Michelet et ses confrères contemporains pour parler de la légende de la Grande Peur de l'An Mil ?

Essentiellement sur les élucubrations d'un moine nommé Raoul Glaber qui vécut ( environ ) de 985 à 1045. Il fut moine à douze ans, ce qui ne l'empêcha pas de se livrer à toutes sortes d'excès immoraux. Mis à la porte de plusieurs monastères pour insolence et instabilité, il réussit toutefois à entrer à l'abbaye de Cluny vers 1030 et y écrivit cinq volumes d'Histoire concernant la période d' environ 900 à 1044, dédiés à l'abbé Odilon.

 

Il rapporte des catastrophes naturelles qui seraient en relation avec une fin du monde annoncée, ou même une simple éclipse solaire qui eut lieu en 1033 :du genre : " La millième année après la Passion du Seigneur, le troisième jour des calendes de juillet, se produit un obscurcissement du soleil qui dura depuis la sixième heure du jour jusqu'à la huitième, et fut vraiment terrible. Les hommes, en se regardant, étaient pâles comme des morts" .

De ce texte, et de quelques autres du même tonneau, les "historiens romantiques", qui voulaient déconsidérer le Moyen-Age, ont déduit que les hommes de ce temps ont vécu la "Grande Peur de l'An Mil"

 

En fait, peu de gens savaient lire, et surtout ne connaissaient rien aux datations. Ils n'eurent aucune crainte de la fin du monde. Seuls quelques lettrés crédules comme Raoul Glaber, qui avaient lu " l'Apocalypse" de  saint Jean, où il est question que le diable serait lâché sur le monde mille ans après la venue du Christ - et qui n'avaient pas compris que " mille" a souvent un sens symbolique - en furent inquiets.

 

Les autres textes qui ont pu influencer Jules Michelet lorsqu'il construisit sa légende sur la Grande Peur de l'An Mil sont, par exemple, une chronique qui raconte qu'un météorite est tombée du ciel, mais c'était en ...951,  ou encore qu'en ....1028, une " pluie de sang" est tombée sur la campagne d'Aquitaine, de même qu'en 968, des " feux" sans tonnerre ni tempête apparurent brièvement dans le ciel.

 

De ces phénomènes naturels ( météorites, éclipse solaire, ) Jules Michelet tira la conclusion que " Cet effroyable espoir du jugement dernier s'accrut dans les calamités qui précédèrent l'An Mil. Il semblait que l'ordre des saisons était inversé "

 

Et beaucoup de gens, auteurs, enseignants, suivirent Michelet dans ses divagations : la crédulité humaine est sans limite !

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Il n'empêche que les légendes - légendes noires et même légendes dorées - ne disparaissent pas facilement.
Témoin cette chanson de Michel Sardou, en 1983, intitulée "l'An Mil", et qui réunit tous les clichés possibles :



" Des cathédrales crevant le ciel comme des épées,

Des forêts noires que des sorcières ont envoûtées,

Des chevaux fous et des milliers de races humaines

Lancés sur nous, du plus profond de la bohème.


Des crucifix dressés pour garder les campagnes,

Des abbayes posées au sommet des montagnes,

Des rois enfants conduits par des femmes inhumaines,

Des rois méchants, soufflant la fureur et la haine.


Et tout là -haut un Dieu colère

Qu'on ne sait comment apaiser,

Un Dieu du fond de l'univers

A des années de voie lactée.


C'était la fin du millénaire

Aux horloges de la chrétienté,

L'apocalypse avant l'hiver,

L'arrivée du Dies Irae. 


 Des fumées noires au ciel assassinent l'été,

Des villes sombres emmurent des hommes prisonniers,

Des peurs obscures nous viennent des autres races humaines,

Des bruits d'armures résonnent encore au fond des plaines.


Des crucifix brisés rouillent en haut des montagnes,

Des abbayes se changent en maisons de campagne,

Des peuples enfants gaspillent la dernière fontaine,

Des peuples fous répandent la fureur et la haine.



Et tout là -haut un Dieu colère,

Que nous avons tous oublié,

Prépare, du fond de l'univers,

Un rendez-vous d'éternité.

Bientôt la fin du millénaire

Va crucifier la chrétienté,

L'apocalypse avant l'hiver,

L'arrivée du Dies Irae."